Différences importantes entre les cantons dans l’engagement contre la traite des êtres humains
Le 15 septembre, l’Office fédéral de la police fedpol a publié une étude intitulée “La lutte contre la traite des êtres humains dans le contexte cantonal“.
Le rapport met en évidence ce que la Plateforme suisse contre la traite des êtres humains – Plateforme Traite – défend depuis longtemps :
Il existe des différences importantes entre les cantons dans l’engagement contre la traite des êtres humains
La création d’un mécanisme cantonal de coopération contre la traite des êtres humains, qui faciliterait la coordination entre les acteurs et permettrait de définir un processus de prise en charge et protection des victimes, reste une décision à la discrétion des autorités cantonales. Dans certains cantons, la protection des victimes et la poursuite pénale fonctionnent, bien qu’elles soient perfectibles. Mais dans les cantons où il n’existe pas de dispositif de prise en charges spécialisés, les victimes n’ont pas accès aux droits reconnus par la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains dont la Suisse est signataire. La Suisse est donc tenue de garantir sur l’ensemble de son territoire les droits des victimes et la mise en œuvre des mesures de protection prévues dans la Convention.
La coopération est essentielle
La Plateforme Traite partage le constat que la coopération entre les acteurs concernés au niveau national et international est essentielle pour lutter contre la traite. Cependant l’existence d’un mécanisme de coopération tel qu’une table ronde cantonale ne suffit pas à garantir une protection et une prise en charge efficaces des victimes. En l’absence de structures spécialisées dans l’accompagnement des victimes, le travail de ces mécanismes de coopération reste théorique. La mise en place et le financement de telles structures ne peut pas se faire sans une volonté politique claire de lutter contre la traite des êtres humains.
« Là où il existe des organisations spécialisées financées pour la protection des victimes de la TEH, des dispositifs spécifiques de prise en charge ainsi que des unités de police, d’enquête et des ministères publics sensibilisés qui collaborent bien ensemble, il y a davantage de victimes de la traite des êtres humains qui sont identifiées et qui ont accès à la protection et au soutien adéquat. Les victimes qui se sentent protégées et soutenues sont plus enclines à coopérer avec les autorités et à témoigner contre les auteurs de la traite. »
Doro Winkler, FIZ Fachstelle Frauenhandel & Frauenmigration
Manque de comparaison entre les cantons sur le soutien concret apporté aux victimes de la traite des êtres humains
L’étude ne permet pas de savoir quelles sont les prestations de soutien auxquelles les victimes ont accès dans les cantons. L’étude concerne notamment les cas officiellement identifiés et portés en justice dans chaque canton, mais l’aspect des prestations proposées aux victimes n’est pas analysé de manière comparative.
« L’étude n’analyse pas les prestations proposées aux victimes : dans certains cantons, ces dernières sont hébergées juste pour quelques nuits à l’hôtel avant de rentrer dans leur pays d’origine, alors que dans d’autres cantons, elles bénéficient durant plusieurs mois d’un hébergement protégé et d’un accompagnement global au niveau médical, psychologique, juridique et dans le cadre de la procédure pénale ainsi que d’un soutien à l’intégration ou alors d’une aide au retour volontaire. »
Angela Oriti, directrice d’Astrée
« Dans les cantons n’ayant pas de dispositifs de protection, les victimes n’ont pas accès à des solutions d’hébergement adaptées et de longue durée, ni à un accompagnement leur permettant de se rétablir et de collaborer à la procédure pénale. Faute de cette protection, elles disparaissent et risques de retomber dans des situations d’exploitation. »
Monica Marcionetti, Antenna MayDay
Enfin, les données du rapport sont relatives à la période 2009-2018/2019 et ne prennent donc pas en compte les évolutions récentes, notamment celles en lien avec la mise sur pied de dispositifs spécialisés.
Des mesures efficaces pour le troisième plan d’action nationale
La Plateforme Traite salue l’élaboration par la Suisse d’un troisième plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains. Nous espérons que des mesures efficaces seront prises pour améliorer la protection des victimes et que les propositions des organisations membres de la Plateforme Traite, qui ont pu en partie s’exprimer lors du processus d’élaboration des actions, seront intégrées.
Les recommandations de la Plateforme Traite
- Mécanismes de coopération dans tous les cantons Dans tous les cantons (ou à tout le moins dans des associations cantonales) il est nécessaire d’établir des tables rondes avec les acteurs concernés, avec des mandats et des procédures de coopération claires, afin que l’identification, le soutien et la protection des victimes soient garantis pour toutes les formes de traite des êtres humains et pour toutes les victimes
- Conseils spécialisés aux victimes et hébergement dans tous les cantons Les victimes de la traite des êtres humains doivent pouvoir avoir accès à des conseils spécialisés et à un logement sécurisé géré par une organisation spécialisée dans la protection des victimes de la traite dans tous les cantons.
- Implication des organisations spécialisées dans la protection des victimes Dans tous les cas et dans tous les cantons, il faut veiller à ce que les organisations spécialisées dans la protection des victimes soient impliquées le plus tôt possible dans l’identification, le conseil et la prise en charge des victimes présumées de la traite des êtres humains, afin de garantir une prise en charge professionnelle et de qualité- comme l’exige la Convention du Conseil de l’Europe et comme le met également en évidence le rapport (P. 37).
- Standards pour la protection des victimes Des standards uniformes d’aide et de protection pour les victimes sont nécessaires dans toute la Suisse afin de garantir les mêmes droits et une prise en charge efficace pour chaque victime.
- Reconnaissance et financement public des organisations spécialisées Les organisations spécialisées dans la protection des victimes doivent être reconnues officiellement et financées de manière adéquate.